Septembre 2021

L’hommage de Florentin Moussavou à Guy Christian Maviogha

Par La Rédaction du Gaboma
Publié le : 6 septembre 2021 à 18h45min | MàJ : Septembre 2021
L’hommage de Florentin Moussavou à Guy Christian Maviogha

L’hommage de Florentin Moussavou à Guy Christian Maviogha Photo : Droits réservés/GabomaInfo

Lorsque ce matin, du samedi 04 septembre 2021, à 8h25, j’ai reçu l’information annonçant le décès de Guy Christian MAVIOGHA, j’ai aussitôt sauté hors de mon lit, tellement j’ai été surpris et choqué. Puis, m’étant ressaisi, j’ai envisagé la rédaction de ce message ; celui que je soumets à la lecture de tous ceux à qui il parviendra, c’est-à-dire, sa veuve, ses enfants, ses parents et les militantes et militants du Bloc Démocratique Chrétien (BDC), son parti. C’est ma part d’étonnement, d’émotion aussi, et d’espérance, face à la vanité de la vie, que je veux partager ici.

L’espace de trois décennies, GCM aura réussi à occuper et imposer sa présence sur l’avant-scène politique et médiatique, arrivant dans l’arène gaillardement et, s’invitant à la table d’honneur, qu’il n’a plus jamais quittée, jusqu’à la séance finale.

Son itinéraire singulier tient de sa soudaine apparition à la manière de l’invité-surprise et comme une étincelle ; à la manière de l’iconoclaste également, voire de l’intrus, lui, le garçon venant de ce qu’il est convenu d’appeler familièrement, « les mapanes. . . »

Mais, son itinéraire tient aussi et surtout de la fougue de l’infatigable activiste et du citoyen engagé qu’il fut, dans un parcours éminemment atypique, voire anticonformiste, et pourtant tellement décalqué sur les innombrables modélisations construites durant les sept dernières décennies, dans nos pays.

En effet, dans tous nos pays, anciennement colonisés, grâce à ces parcours atypiques, des destinées insolites, imprévisibles, autant qu’impressionnantes ont pu essaimer, brisant les codes et induisant parfois l’avènement au sommet, de personnalités qui n’y étaient ni préparées, ni particulièrement attendues à ce niveau.

Nous en avons du reste l’illustration, avec la très brûlante et brutale actualité portée par les événements survenus ces dernières heures, en Guinée Conakry. C’est donc, un gabonais, un bantou de la base, un enfant du terroir, que nous sommes amenés à pleurer aujourd’hui.

Un petit gabonais, disais-je, entier, fier de lui, trop fier peut-être, qui, pour exister n’a jamais eu recours à la revendication maladroite, malodorante et malsaine d’un quelconque pedigree prestigieux, adossé notamment sur des référentiels héréditaires, y compris parfois usurpés ; c’est bien plutôt, un enfant du Gabon, comme beaucoup d’entre nous, dont l’histoire personnelle, n’est pas accolée, hélas, au CV professionnel ou à la fortune colossale de ses ascendants.

Il s’est fait lui-même et, en vérité, il s’est parfaitement réalisé, sous nos yeux à tous. Ses condisciples, ses proches pourraient en témoigner, et tout cela, il le doit simplement à sa détermination, à sa volonté, à sa ténacité, à la grande habileté manœuvrière qu’il est parvenu à acquérir et , autant le dire également, à son obstination. . . je veux ajouter même, il doit tout à son incroyable intrépidité. .. Obstiné, voire têtu, c’était assurément, sa marque de fabrique, je puis en témoigner, ainsi que cela ressortait encore récemment dans nos échanges, les derniers remontant au 14 août 2021, il y a exactement trois semaines. . . Il aimait parler vrai, direct, et généralement sans prendre de gants ; il affectionnait de partager ses idées, sans être forcément un grand séducteur, quitte à être souvent insistant et, parfois agaçant.

GCM, était loin, bien loin, très loin, d’être un homme consensuel ; je crois du reste, qu’il s’organisait lui-même, sans arrêt, de manière à conserver toujours, en toutes circonstances, une part de flou artistique. Il aimait apparaître comme à contrecourant, constamment dans la distance à l’égard des positions dominantes.
C’était un provocateur, un bretteur ; ce qui ne lui a pas toujours valu l’estime du plus grand nombre.

Il a su et pu s’adapter, en naviguant avec dextérité dans ce monde curieux, étonnant et parfois cruel, où s’alimentent abusivement le cannibalisme et les trahisons ; côtoyant les grands prédateurs, bousculant les codes, les pratiques controversées et les fragiles et fallacieux équilibres ; se frayant son propre passage, au sein de cette jungle , dans une forme de désordre organisé et, en définitive, tutoyer les sphères qui, traditionnellement tournent le dos , en les toisant outrageusement, à tous ceux qui naturellement, ne figurent pas dans les registres introduits au bon moment, au bon endroit, par la bonne personne.

J’ai le sentiment d’avoir suffisamment dit sur GCM et, je m’en voudrais de trop en faire, l’heure étant davantage aux recueillements et aux hommages Alors, je vais mettre un terme à cet exercice, qui va figurer, je souhaite être entendu en ce sens, comme ma façon à moi, toute singulière, d’exprimer mon émotion et ma compassion. Il me fallait, en effet, pouvoir dire et traduire à notre frère, ces choses, ces mots, ces paroles qui sont, longtemps et souvent tellement contenues.

Toutefois, je veux, afin de parachever cette balade dans le maladroit élan prosodique que m’inspire cette circonstance, m’autoriser enfin l’audace, dans la transe collective qui nous prend à la gorge aujourd’hui, convier à l’échange, en le parodiant, notre très prestigieux aîné, Pierre Edgard MOUNDZIEGOU, de son sobriquet Magang-ma Mbuju-Wisi par ailleurs illustre poéticien, dont les textes chantés par Pierre Claver AKENDENGUE, nous ont tellement transportés et enchantés, plusieurs années durant, traduisant à l’attention de tous, des enseignement d’une rare profondeur !!!

« Petit par les centimètres, grand par les sentiments »et, je vais ajouter « grand aussi par l’ambition... et le désir de réussir, de trouver des réponses ».

Je viens définitivement, alors que tu ne fais que nous précédé, « ô YING-YNDONGU... », ce lieu mythique d’un au-delà, tel qu’il figure dans l’imaginaire des aînés, dans ce PANTHÉON des BAPUNU, mon cher petit frère, te décerner le Kumbu de INZUMBI, c’est-à-dire, en français, l’intrépide.

Tu as parfaitement rempli ta mission : la mission de celui qui ouvre les portes, sans craindre de se faire rabrouer ; la mission de celui qui ose dire, alors que l’ambiance générale incline à la fermer et à se taire ; la mission de faire front, même lorsque les barrières se dressent...la mission aussi, fantastique, de toujours vouloir réunir, vouloir rassembler...

Rassembler, tu en as fait la magistrale démonstration, le 13 août dernier, en œuvrant avec toute ton énergie, pour la tenue d’une rencontre des partis politiques de la Majorité, comme s’il s’agissait de ton baroud d’honneur, quelques jours seulement avant de tirer ta révérence.

Et, mon cher petit frère, jusqu’à ton dernier souffle, tu as nourri et cultivé cette envie d’être un activiste, doublé d’un médiateur inépuisable.

Ainsi que tu me le disais encore, lors de notre dernier entretien : « ... grand frère, ce pays a besoin de compter sur des sages comme toi, mais je veux que tu comprennes que nous devons également nous appuyer sur des fous, tels que moi... »

Tu nous étais devenu, au fil du temps, tellement familier à tous, et nul doute que chacun de nous, sera assurément, à sa manière, à son niveau, un peu orphelin de toi, Guy Christian !

Que la terre te soit vraiment légère !!!

Florentin MOUSSAVOU, président de CAC