« Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ». Cette formule fleurie de Jacques Chirac doit sonner comme un refrain maudit aux oreilles de Vincent-de-Paul Massassa, tant l’homme politique se retrouve piégé par une avalanche de scandales. Le tollé soulevé par sa foireuse tentative de corruption sur le Premier ministre n’est pas encore tombé que le ministre du Pétrole doit, à nouveau, faire face à un nouveau scandale.
De corrupteur présumé dans l’affaire des 300 millions de francs qu’il a voulu donner à sa cheffe Ossouka Raponda en août dernier, pour la piéger, le sieur Massassa pourrait, cette fois, avoir à s’expliquer sur une histoire de passe-droits et de violation de textes. Le tout, sur fond de... corruption.
Au cœur de cette nouvelle « affaire Massassa » : un chef d’entreprise français, un député, deux fonctionnaires peu scrupuleux, un ministre et une multinationale. Après plusieurs années de présence au Gabon, le Français Benoît Thierot, propriétaire de la société Tryam, spécialisée dans le transport de carburant, a récemment décidé de vendre son affaire et de rentrer chez lui. En très peu de temps la vente est bouclée et les époux Thierot ont pu regagner leur pays. Les choses auraient pu en rester là si, quelques semaines plus tard, l’on ne découvrait pas que l’opération s’était déroulée dans la plus parfaite illégalité, et en violation du Code des hydrocarbures.
Explication. L’exercice de la profession de transporteur de produits pétroliers est soumis à une autorisation délivrée par le ministère du Pétrole. Selon les dispositions de l’article 134 du Code des hydrocarbures, cette autorisation « est incessible et non transmissible ». Donc, en vendant la société Tryam, Benoît Thierot savait qu’il contournait la loi. Poursuivons.
« Toute autorisation délivrée en violation des dispositions du présent chapitre est nulle et de nul effet » . Comme on peut le voir, l’article 136 du Code des hydrocarbures est clair. Et ça, le propriétaire de Tryam le savait. Mais du fait de la crise qui frappe durement l’économie gabonaise, Benoît Thierot avait sans doute eu du mal à trouver un repreneur disposant d’une surface financière suffisante pour racheter son fonds de commerce rubis sur ongles.
En fin de compte il s’est résolu à vendre sa société à Hervé Patrick Opiangah, député et questeur à l’assemblée nationale. Personnage interlope, cet ancien pensionnaire de la maison d’arrêt de Libreville brasse dans la plus grande opacité une myriade d’affaires qui touchent à la fois au sport, au BTP, au transport urbain, à la sécurité… Même s’il n’est pas connu pour sa finesse intellectuelle, Opiangah savait certainement qu’en rachetant Tryam, il allait au-devant de sérieuses complications administratives. Mais il savait aussi qu’avec beaucoup d’argent et un peu de trafic d’influence, il parviendrait à contourner bien des difficultés et à faire tourner sa nouvelle entreprise.
Avec un ministre du Pétrole qui, depuis sa nomination, a parfaitement assumé son côté véreux, les choses n’ont pas traîné. Idem du côté de la Caisse de Stabilisation et de Péréquation où le duo Dominique Bengone (directeur des Hydrocarbures) et Nicaise Mvé (directeur de l’Aval) n’a pas hésité à tremper dans la magouille. Evidemment, toutes ces transactions irrégulières n’ont été rendues possibles qu’avec la complicité active des responsables de Total Marketing Gabon (une filiale du groupe pétrolier français). Si Tryam version Opiangah transporte désormais pour le compte de Total Marketing, c’est tout simplement parce que les dirigeants de cette entreprise ont accepté de violer leur propre Charte qui, clairement, leur fait pourtant interdiction de commercer avec les PPE, entendez « personnalités politiquement exposées ». Et le député-questeur-président de parti politique Hervé Patrick Opiangah en est une !
Mais ce n’est pas tout, au sujet des tours de passe-passe réalisés par Total Marketing : selon nos informations, l’entreprise aurait tout dernièrement enregistré des transporteurs d’hydrocarbures de différentes nationalités, dont les frères libanais du groupe ELG Ali, Mohamed et Fadi. Tout cela, bien sûr, au vu et au su du ministre Vincent-de-Paul Massassa devenu, en quelques semaines, la figure emblématique de la corruption et de la faillite des valeurs au sommet de l’Etat gabonais. Connu pour faire usage de nombreux prête-noms pour ses transactions malhonnêtes, cet ingénieur formé aux Etats-Unis, et qu’une ancienne chargée d’études au ministère du Pétrole décrit comme « une marionnette entre les mains de son cousin Ian Ngoulou » , devrait sérieusement songer à se trouver un bon avocat. A moins qu’il n’ait déjà opté pour la fuite à l’étranger…
Céline Alexandre