Septembre 2021

Affaire Massassa ou quand la bande à Noureddin Bongo manque de piéger Ossouka Raponda

Par La Rédaction du Gaboma
Publié le : 30 septembre 2021 à 10h16min | MàJ : Septembre 2021
Affaire Massassa ou quand la bande à Noureddin Bongo manque de piéger Ossouka Raponda

Affaire Massassa ou quand la bande à Noureddin Bongo manque de piéger Ossouka Raponda Photo : Droits réservés/GabomaInfo

Relayée par les réseaux sociaux au lendemain des fêtes du 17 août – jour anniversaire de l’indépendance du pays –, l’information est quasiment passée inaperçue. Il aura fallu attendre le 10 septembre dernier, à la faveur d’un article du magazine Jeune Afrique , pour que l’opinion prenne toute la dimension de ce qu’il est désormais convenu d’appeler « l’affaire Massassa », du nom du ministre gabonais du Pétrole.

Argent, politique, pétrole, corruption : tous les ingrédients pour un film policier. Sauf que dans ce Dallas à la gabonaise, le scénario, bien réel, certes, mais d’une médiocrité affligeante, est joué par de piètres acteurs.

Pour preuve, la stupéfiante narration faite par le média parisien à ce sujet.  « L’affaire a été dévoilée par la Première ministre Rose Christiane Ossouka Raponda elle-même, lors du conseil des ministres qui s’est tenu le 11 août en visioconférence. Répondant à la préoccupation du président Ali Bongo Ondimba, qui s’inquiétait de retards dans la mise en œuvre de projets de grands travaux d’infrastructures, elle s’est justifiée en dénonçant la persistance de mauvaises pratiques au sein du gouvernement. Et de révéler, à titre d’exemple, qu’un ministre a tenté de faire déposer des sacs de billets à son cabinet. Le coursier de l’indélicat ayant été éconduit, l’affaire aurait pu en rester là. Mais, selon nos informations, Ossouka Raponda, encore remontée, a décidé de révéler l’identité de l’individu en question. Selon elle, il s’agit de Vincent de Paul Massassa, le ministre du Pétrole, du Gaz, des Hydrocarbures et des Mines… » . Grâce à ces révélations, l’opinion en sait un peu plus sur cette foireuse tentative de corruption au sommet de l’Etat.

D’abord, le montant. Il porte, selon plusieurs sources concordantes, sur une somme de 300 millions de francs CFA, rangés dans des sacs de sport, et dont le ministre seul connaît l’origine. Ensuite, le modus operandi : confié à l’aide de camp du ministre corrupteur, l’argent a directement été transporté au cabinet du Premier ministre. Une fois sur les lieux, l’émissaire de Massassa va, curieusement, demander au chargé du protocole de la Primature de procéder au comptage des billets. Un peu comme s’il voulait s’assurer que quelques langues de vipère feraient fuiter l’affaire. D’ailleurs, rien ne dit que l’intéressé n’allait pas enregistrer discrètement la transaction. On ne le saura peut-être jamais. Mais passons, enfin, à la raison qui a motivé cette soudaine générosité du ministre Massassa. Et là, deux thèses s’affrontent.

Pour certains, Vincent de Paul Massassa a voulu, à travers ce « petit cadeau gratuit » de 300 millions de francs, assurer son maintien au gouvernement. D’autres, en revanche, affirment que le ministre a juste servi de bouc-émissaire. Ce qui voudrait dire qu’il aurait agi pour le compte d’une main noire tapie dans l’ombre. Les tenants de cette théorie avancent même un nom : Yann Ghislain Ngoulou, directeur de cabinet et homme à tout faire du « prince fainéant » Noureddin Bongo Valentin. C’est vrai que l’intéressé a profité de sa proximité avec le fils du chef de l’Etat pour installer une constellation de féodalités mafieuses dans la haute administration et au sein du gouvernement. 

Du ministère de la Justice « offert à sa très bonne amie » Erlyne Antonella Ndembet à celui du Budget en passant par le département en charge du Pétrole où sévit son oncle Massassa, Ian Ngoulou s’est constitué un tentaculaire réseau d’obligés dont le but principal est de siphonner les caisses de l’Etat. A ce sujet, du reste, le bimensuel gabonais Echos du Nord Confidentiel nous apprend, dans sa dernière livraison, que Yann Ghislain Ngoulou  « est plus que jamais dans le collimateur des services de renseignement, soupçonné d’activités de racket auprès d’entreprises parapubliques et de certaines régies où des hommes placés à leurs têtes lui doivent reconnaissance, particulièrement aux Impôts, au Trésor, ou encore aux Hydrocarbures… » .

Abondant dans le même sens, un membre influent du cabinet présidentiel précise :  « cette officine douteuse appelée young team a réussi à faire croire à Noureddin Bongo qu’elle amassait un trésor de guerre pour financer une série d’actions en vue de sa future conquête du pouvoir » . D’après la même source, si le fils d’Ali Bongo et sa bande poursuivent le Premier ministre de leur haine c’est parce que, justement, cette dernière a contrecarré, en décembre dernier, un de leurs grands projets, à savoir la création d’un super ministère de l’Economie et du Budget dont ils entendaient confier la tête à leur homme-lige Sosthène Ossoungou.

« A la fin de l’année dernière, suite à la démission du ministre de l’Economie, Jean-Marie Ogandaga, pour une sombre histoire de pots-de-vin et d’abattements fiscaux douteux, l’équipe de Noureddin a proposé au président de fusionner l’Economie et le Budget. Pour le Premier ministre, cette option était beaucoup trop risquée et aurait pu nous attirer le courroux des bailleurs de fonds, surtout que la personne pressentie pour diriger ce grand département ministériel n’est pas connue pour être un modèle de vertu et de rigueur. Elle l’a donc fait savoir au chef de l’Etat » . Depuis lors, la young team n’avait qu’une idée en tête, se débarrasser de Rose Christiane Ossouka Raponda. La mission fut confiée à Yann Ngoulou, ce « spécialiste » qui a réussi, en quelques mois, à faire tomber deux maires de Libreville. Mais cette fois, le piège tendu par Ngoulou et son lampiste d’oncle Vincent de Paul Massassa n’a pas fonctionné. Tant mieux pour la cheffe du gouvernement !

Pour autant, cela n’empêche pas de s’interroger à la fois sur l’origine de l’argent utilisé par Massassa pour tenter de compromettre le Premier ministre, mais également sur l’intérêt de conserver un ministre dont les heures sont comptées. Avec le risque de voir celui-ci en profiter pour se lancer dans une accélération effrénée de détournement de fonds.

Céline Alexandre